ENTRETIENS : La Place de L’IA dans la Banque-Assurance…
ENTRETIENS
Source : INNOVATION ASSURANCE – Next
Content, société d’études et d’événements spécialisée dans l’analyse des
comportements de consommation sur Internet, des nouvelles pratiques numériques
et des stratégies digitales des entreprises dans différents secteurs.
Nathalie Doré (BNP Paribas Cardif) : « L’IA nous aide à faciliter le parcours des clients et leur communiquer des réponses en quelques minutes »
La Directrice Impact et Innovation du bancasssureur BNP Paribas Cardif explique la stratégie de la compagnie pour s’emparer des nouvelles technologies de manière soutenable et responsable. Réponse à l’interview accordée à Innovation Assurance.
INNOVATION ASSURANCE : Pouvez-vous brosser le portrait de BNP Paribas Cardif en quelques chiffres-clés ?
Nathalie Doré : BNP Paribas Cardif est un leader mondial des partenariats en bancassurance. L’assureur du Groupe BNP Paribas fonctionne sur un modèle de distribution ouvert et réalise la moitié de son chiffre d’affaires au sein du Groupe, la seconde via plus de 500 partenaires externes. Nous sommes présents dans 30 pays – en Europe, en Amérique latine et en Asie – avec 8 000 collaborateurs et assurons plus de 80 millions de clients.
En termes de produits, nous avons une activité diversifiée avec des offres en épargne et en protection à parts égales. A fin 2023, nous gérions 255 milliards d’euros d’actifs sous gestion avec un chiffre d’affaires de 30,3 milliards d’euros.
Qu’est-ce que le volet Impact de votre fonction recouvre ?
Créée en janvier 2022, la direction de l’impact et de l’innovation a pour objectif de maximiser notre impact positif et de réduire les effets négatifs de nos activités, de garantir un développement soutenable et responsable.
Depuis de nombreuses années, BNP Paribas Cardif est particulièrement engagé pour l’assurance inclusive en ligne avec sa mission de rendre l’assurance plus accessible. Cette démarche consiste à prendre en compte les dernières avancées médicales pour réduire les exclusions et améliorer les conditions d’accès à l’assurance aux personnes atteintes de certaines maladies. C’est le cas notamment pour les MICI – maladies inflammatoires chroniques de l’intestin -, comme la maladie de Crohn. Nous avons amélioré la tarification en octroyant plus largement les garanties complémentaires et en diminuant les surprimes.
Sur le plan climatique, nous avons rejoint l’alliance Net Zero Asset Owner Alliance et nous sommes engagés à aligner nos portefeuilles d’investissement détenus en direct sur la trajectoire de neutralité carbone d’ici 2050. Nous gérons l’épargne de nos assurés dans une perspective de long terme avec la conviction de combiner performance financière et impact positif sur la société en intégrant des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) qui fonctionnent en forme d’entonnoir ou de filtre pour ne garder que les « best-in-class ». Nous allons aussi un cran plus loin et soutenant la transition énergétique, dont les énergies bas carbones. Nous nous sommes engagés à allouer 1 milliard d’euros en moyenne par an dans des investissements à impact positif dont environ 800 millions d’euros sur l’environnement.
Nous revoyons par ailleurs nos produits pour qu’ils soient adaptés en matière de durabilité et pour accompagner les changements de comportements de nos assurés. En assurance habitation par exemple, nous valorisons les travaux d’aide à la rénovation et en assurance automobile nous accompagnons les nouvelles formes de mobilité qui favorisent la transition énergétique, comme les véhicules électriques. Sur les appareils électroniques, nous proposons de la réparation plutôt que de l’échange.
Comment coopérez-vous avec l’écosystème assurtech ?
Notre modèle de distribution étant ouvert depuis 50 ans, nous nous sommes naturellement orientés vers l’écosystème extérieur également pour l’innovation en collaborant avec les entreprises technologiques de toutes tailles (start-up, scale-up, big tech). Par exemple, nous soutenons les startups via nos deux fonds d’investissement dédiés : C.Entrepreneurs, le fond d’investissement early stage géré par Cathay Innovation pour identifier de potentiels futurs partenaires. Ce fut le cas avec Beem, une startup nantaise qui vend des kits de panneaux solaires pour les particuliers – le but étant d’éviter des installations très coûteuses, et de rendre donc cette énergie propre accessible à tous. Notre autre fonds, C.Developpement, géré par Eurazeo, investit dans les insurtechs pour trouver des relais de croissance. En France, nous avons par exemple soutenu la startup InMemori qui a développé un service d’hommage en ligne et une maison de pompes funèbres.
Enfin, nous faisons également des collaborations – sans forcément investir, en nous appuyant sur l’accélérateur Plug and Play du Groupe BNP Paribas pour des projets d’open innovation avec des start-ups.
Quel poids à l’IA dans tous ces développements ?
Nous essayons de nous emparer de l’IA de façon intelligente, et de nous en servir le cas échéant. Cela concerne tout d’abord le volet efficacité, pour rendre la vie de nos clients plus simple, avec des assurances plus faciles à souscrire et à utiliser. Nous devons traiter près de cent millions de documents chaque année, l’IA nous aide à automatiser l’analyse de ces documents et libérer du temps à nos collaborateurs pour le consacrer à nos clients.
L’IA nous permet également de communiquer des décisions aux clients et accepter les sinistres en quelques minutes et sans justificatif. C’est le cas avec notre partenaire Orange en assurance mobile avec lequel nous acceptons d’ailleurs neuf sinistres sur dix. Dans les cas qui nécessitent plus d’attention, notre objectif est de faire un retour en moins de 24 heures en accélérant l’analyse des documents via l’IA.
Nous réalisons aussi de l’analyse de verbatim avec de l’IA générative pour identifier des pistes d’améliorations, améliorer nos services et optimiser la satisfaction client.
Enfin nous avons un partenariat avec Lemonade depuis 2023 en assurance multirisque habitation pour les locataires et les propriétaires. Cette nouvelle offre se fait via un parcours 100% digital et est renforcée par l’intelligence artificielle.
Nathalie Doré interviendra lors du débat inaugural « Produits, services, parcours clients : l’évolution des modèles assurantiels » de l’événement Innovation Assurance le 30 janvier 2025 à Paris.
Benoit Beaulieu (Dattak) : « Le développement de l’IA va très vite, il faut continuer à surveiller et à éduquer nos assurés sans relâche »
Benoit Beaulieu est le Directeur Cybersécurité du spécialiste de l’assurance cyber. Il passe au crible les différentes menaces dont celles liées à l’intelligence artificielle, et comment Dattak propose d’y répondre.
Comment mesurez-vous le risque chez un client assuré ?
Il y a plusieurs méthodes en fonction du secteur d’activité et de la taille de l’entreprise. La première, utilisée pour tous nos assurés, concerne le système d’information.
Nous avons développé des outils, notamment un scan, qui analyse toute la surface externe du système d’information et détecte les vulnérabilités potentielles. On peut comparer cela à un cambrioleur qui veut s’en prendre à une maison : il étudie toute la surface externe du bâtiment, les points d’entrée (porte, baie vitrée…) et leurs configurations (volets, barreaux…). Nous faisons exactement la même chose sur la surface exposée du système d’information en analysant les différents points d’entrée possibles. Nous examinons aussi les fuites de données publiques ou sur le dark web, nous cherchons des identifiants qui traînent et pourraient potentiellement compromettre le système d’information de l’assuré.
Ensuite, nous complétons la démarche avec une évaluation sous forme d’auto-diagnostic du système d’information, basé sur le framework NIST. Cela nous permet d’avoir une cartographie des risques sur la partie interne. Couplée avec l’analyse externe, cela donne une cartographie globale et une analyse de risque plus granulaire pour pouvoir répondre au mieux aux demandes des assurés, et les assurer de la meilleure façon possible.
Nous récompensons par ailleurs la bonne maturité cyber. C’est-à-dire que plus votre score de maturité cyber est élevé, moins votre tarif l’est. Nous évaluons également le risque humain via de la sensibilisation et des campagnes de phishing gratuites. Nous proposons enfin un accompagnement expert cyber tout au long du contrat pour continuer à analyser le risque et faire des recommandations pertinentes
INNOVATION ASSURANCE : Quels sont les quelques éléments-clés à connaître sur Dattak ?
Benoit Beaulieu : Dattak est l’assurance proactive contre les cyberattaques combinant des services de cybersécurité afin de réduire le risque, à l’assurance la plus complète du marché pour indemniser en cas d’attaque. L’entreprise a été fondée en 2021 par Charlotte Couallier, ex-directrice commerciale et innovation chez AXA et Damien Damamme, ex-responsable du lab de distribution chez Allianz.
Nous recensons une quarantaine de collaborateurs experts cyber et assurance, plus de 2 000 clients et sept réassureurs de niveau mondial.
Quelles sont les principales cyber-menaces liées à la data et l’IA ?
Tout le monde sait que la data est le trésor de toute entreprise. L’intelligence artificielle permet justement de faciliter son analyse.
Parmi les risques identifiés : de nombreuses personnes utilisent l’IA en la nourrissant avec des données. Il y a donc la possibilité, par la suite, de se faire voler et/ou exploiter des données sensibles. Un autre risque concerne les modèles d’IA : c’est-à-dire qu’il est possible de les manipuler, de leur faire croire des choses pour par exemple changer le cours d’une action – cela permet d’enrichir le modèle d’IA avec de fausses informations pour parasiter sa réponse et manipuler en conséquence les informations récupérées.
Il y a également la génération de contenu malveillant, comme reproduire des vidéos avec le visage et la voix de certains individus. On a vu un cas à Hong Kong récemment, avec un salarié pensant se connecter sur Teams avec trois personnes de la direction de son entreprise, et qui a fait un versement de 25 millions d’euros alors qu’il était face à des images générées par de l’IA. Avec les fake news, tout cela va contribuer à augmenter le risque sur les différentes cybermenaces.
Certaines attaques vont aussi pouvoir être automatisées via l’IA. A force d’entraîner les modèles, ils vont pouvoir analyser et comprendre d’eux-mêmes la typologie de structure, les secteurs d’activité et préparer les attaques beaucoup plus facilement que le ferait n’importe quel outil informatique. En testant des combinaisons très rapidement, les attaques vont s’accélérer – d’autant plus que les pirates vont pouvoir s’adapter aux réponses des systèmes d’information. Le développement de l’IA va très vite, il faut continuer à surveiller et éduquer nos assurés sans relâche.
Quelles réponses apportez-vous à ces menaces ?
La première solution, que nous utilisons pour tout type de menace, est la sensibilisation de tous nos assurés. Nous faisons donc des campagnes de phishing, mais aussi des contenus spécifiques relatifs à l’IA en fonction des secteurs d’activité. Nous construisons également des formations sur-mesure avec nos assurés sur ces sujets. Bien sûr, nous les accompagnons tout au long de leur contrat, pour répondre à leurs questions s’ils en ont besoin. Nos experts sont certifiés pour pouvoir intervenir dans n’importe quel secteur d’activité ou sur n’importe quelle mission.
Nous ne jouons pas un rôle d’intégrateur mais nous recommandons des partenaires ou des solutions idoines à l’entreprise. Nous allons enfin proposer la responsabilité civile professionnelle début 2025 pour élargir notre gamme et permettre de prendre une assurance qui correspond, pour certaines entreprises, à une activité bien précise.
Benoit Beaulieu interviendra sur le sujet « Nouveaux risques, nouveaux services : focus sur les cyber risques » dans le cadre de la conférence Innovation Assurance 2025 le 30 janvier 2025.